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dimanche 2 août 2015

Autoroute pour l'Enfer...

Derrière les panneaux, il y a des hommes… et quels hommes, des hommes (et des femmes) à-la Incardona : brisés, cassés, détruits, qui suscitent la peur ou les pleurs selon ce que leur destin nous inspire... Et l’histoire… brute, coup de poing dans la gueule du lecteur, coup de pied dans les couilles même… « Prends ça ! », semble nous dire Incardona, « … et fait avec. »…

Un livre dur à la violence crue… Trop, penseront sans doute certains… Trop noir, trop violent, trop vulgaire, à la limite du supportable… Mais tellement bien écrit, efficace comme un direct de Mike Tyson. Là est la force d’Incardona, ce style précis, chirurgical, aiguisé comme un scalpel pour la grande autopsie de nos peurs et de nos vices… La mise à nue de nos pires vicissitudes… Du sanglant, du brutal, l’auteur ne nous épargne rien… Mais rien n’est gratuit non-plus, tout à son sens, jusqu’au décor... L’autoroute… Si familière et pourtant si peu connue, celle que nous empruntons si souvent sans vraiment la voir, paysages traversés à 130 à l’heure, café noir engloutit en deux minutes sur le coin d’une table, sandwichs avalés sans plaisir… Il faut faire vite, on n'est pas encore arrivé… la route est encore longue… Asphalte, néons, odeur d’essence, atomes de fer lancés à pleine vitesse… Incardona nous le montre ce décor, dans ses moindres détails et jusqu’à son envers… Terrifiant…

Et les personnages, donc… Un tueur froid, barré, glaçant mais presque moins haïssable que quelques autres personnages secondaires croisés au fil des pages : un directeur de resto-route tyrannique, un vrp consommateur de sexe tarifé… Les victimes sont solaires, innocentes, jeunes filles en fleur ou prostitué transsexuel, elles souffrent et meurent et nous avec elles… Ceux qui restent, ceux qui essayent de survivre au cauchemar se tiennent au bord du gouffre, à la porte de l’enfer… et font le pas de plus…

« Derrière les panneaux, il y a des hommes » n’est certes pas un livre facile, pas de ceux qu’on ligote tranquillement avachit sur son transat un mojito à la main… C’est un livre à manipuler avec précaution, à aborder casqué. Un livre pour lecteurs avertis et prêts au grand saut dans le noir… Un livre magnifique aussi...


Joseph Incardona - « Derrière les panneaux, il y a des hommes » - Finitude 2015