Attention, chef d’œuvre ! Non, je ne
parle pas de ce petit papier que tu ligotes peinard entre un article de fond
sur le changement de rimmel de Kate of England et la sexetape d’une pseudo star de la téléréalité
que tu as gratté sur internet dans le dos de ta femme ou de ton mari… Le chef
d’œuvre en question est bel et bien le bouquin dont je suis sensé faire la
critique ici. Et pour tout te dire, mon pote lecteur, je ne sais pas par quel
bout prendre la chose…
Je ne vais pas te faire l’affront de te
présenter l’auteur, James Ellroy. Si
tu n’es pas arrivé sur ce blog par le hasard malencontreux d’un algorithme espiègle
c’est que tu t’intéresses de près ou de loin à la littérature en général et au
polar en particulier et donc, l’œuvre du gars Ellroy n’a pas de secret pour ta pomme. Mais l’opus dont je voulais
te parler : « Le Dahlia Noir »
est sans doute le plus autobiographique que l’auteur ait écrit, avec celui sur
sa fameuse Part d’Ombre, et une
certaine connaissance de sa vie peu commune offre un niveau de lecture
supplémentaire intéressant.
Ellroy,
enfant du LA des années
50 (il est né en 48), enfant solitaire et troublé, à l’oedipe mal digéré, faut
dire que voir sa mère se faire assassiner lorsque l’on a 10 ans n’est sans
doute pas le meilleur tremplin vers une vie pure et parfaite. Ellroy donc qu’on retrouve en filigrane
derrière la plupart des personnages masculins, Bleichert bien sûr, mais aussi Blanchard
et
peut-être même Sprague. Sa mère aussi,
Geneva Hilliker Ellroy, dont le parallèle avec Lizz Short est trop évident pour ne pas être mentionné mais qu’on
retrouve également dans Kay Lake et Madeleine Sprague comme autant de
création permettant à Ellroy de
solder en partie ses démons oedipiens. Mais réduire ce roman à une
autobiographie déguisée serait d’une grande injustice.
Parce que cet opuscule à la noirceur
choisie n’est rien d’autre, selon moi, que la quintessence de ce qui fait un
bon roman noir. Des personnages magnifiques, solides, épais comme la noirceur
d’une nuit sans lune dans les bas-fonds de LA. Des personnages qui vous sautent
au visage dès la première rencontre au détour d’une page, au tournant d’un
chapitre. Hommes : volontaires et perdus, courageux et lâches, solitaires
et fraternels, forts et fragiles, immatures… Femmes : fatales et séduites,
perverses et perverties, manipulatrices et dominées, menteuses et trompées.
Tous : complexes et ambigus. Des protagonistes fictifs qui en croisent
d’autres bien réels ceux-là mais qui ont étrangement presque moins de présence.
A part Lizz Short bien évidemment. Lizz, Le Dahlia Noir, dont la mort atroce
nous devient encore plus insupportable à mesure qu’on fait sa connaissance au
fil des pages. Heureusement qu’Ellroy
prend pitié de nous et nous livre un coupable qu’on arrive même à ne plus
détester au final… En rester sur un meurtre irrésolu aurait été à la limite du
supportable.
Tous ces protagonistes, et là le terme
n’est pas forcément galvaudé tant on pourrait considérer que le livre compte
plusieurs personnages principaux, évoluent dans un décor palpable, présent,
presque tri-dimensionnel. Qu’on soit allé à LA, ou pas, dans les années 40 ou
pas, on y est ! Ellroy parvient
comme peu d’autre à nous prendre par la main et nous emmener promener dans son
LA de rêve et de cauchemar. Des collines d’Hollywood, avec son fameux panneau
dont on assiste à l’amputation des dernières lettres, à Van Nuys et Mulholland
Drive, on circule dans la Citée des Anges (déchus) à la traine de nos héros.
L’histoire est admirablement construite
malgré la gageure que pose toujours la reprise d’une histoire vraie. Car là
encore, Ellroy s’en sort à
merveille, tissant sa toile sur la trame de la véritable affaire du Dahlia
Noir, il parvient à entretenir un suspens poignant et nous livre même quelques
retournements de situations surprenants et jubilatoires. Et puis il y le style Ellroy, puissant, précis, percutant. Le
rythme admirablement maitrisé, dans les tempi lents comme dans les explosions
de violences, dans les descriptions scrupuleuses comme dans les scènes
d’actions au cordeau… Un rythme qui n’est pas sans rappeler un combat de boxe
dont les rounds seraient ici les chapitres du roman…
En conclusion, « Le Dahlia Noir » est une œuvre majeure de la littérature
noire, de la littérature tout court aussi d’ailleurs, un must pour tous les
amateurs du genres et les autres. Un classique.
James
Ellroy - « Le Dahlia Noir » - Rivages 1988
Salut Ytsejam !
RépondreSupprimerAfin de compléter modestement ce billet pour le moins dithyrambique, juste un petit conseil (les fêtes de Noël approchant) destiné aux fans de polar en bande dessinée pour leur suggérer ce même opus de James Ellroy dans la collection Noir chez Casterman.
Les dessins au fusain particulièrement réussis sont de Miles Hyman (illustrateur américain du Poulpe entre autres) et du français Matz (Le Tueur) pour le découpage. Chaque planche est un petit bijou de réalisme qui retranscrit bien l'ambiance obscure du roman.
J'étais sceptique quant à retrouver l'intégralité du roman dans la bande dessinée mais le scénario retravaillé par David Fincher himself (Seven, Fight Club,...) est prodigieux de concision.
En bref de la belle ouvrage...
Amicalement
PS : Les mêmes protagonistes de la BD ont sévi également dans la même collection pour "Nuit de fureur" de Jim Thompson, classique de la littérature noire. Si le Père Noël me lit...
Hello Tricao,
SupprimerLe pirate est toujours de bons conseils, a qui je dois d'avoir découvert avec plaisir Benacquista entre autres...
Amicalement itou.