La critique d’un premier roman n’est jamais
chose aisée. Doit-on tenir compte de la « jeunesse » de l’auteur pour
lui pardonner les imperfections de l’œuvre ou pour s’émerveiller plus que de
raison sur les qualités de ladite ? Ou alors ne doit-on que rendre compte
du plaisir que l’on a ressenti, ou pas, à la lecture de l’œuvre ? Laisser
parler froidement ses seules émotions si je puis me permettre cette tournure
antinomique.
De tels doutes m’assaillent à l’heure de m’installer
devant mon clavier pour évoquer Les Loups
à leur porte, primo-opus de Jérémy
Fel publié par les excellents Payot
et Rivages, grands pourvoyeurs
de petits plaisirs littéraires s’il en est.
Doutes parce que j’ai bien aimé l’ouvrage, j’ai
même pris beaucoup de plaisir à le lire, tout en ne pouvant me retenir d’éprouver
quelques regrets, un peu comme si nous étions passés, l’auteur et moi, juste à
côté d’un vrai coup de cœur.
Le roman se compose un peu comme ces films qui vous
présentent une galerie de personnages sans rapport apparents les uns avec les
autres, mais dont les vies vont se croiser et se télescoper à un moment donné,
souvent autour d’un thème précis. Je pense au très plaisant Love Actually par exemple… Là, ce n’est
point d’amour dont il est question mais plutôt de haine et de violence. Une
violence gratuite parfois, brutale souvent et toujours très crue, plutôt bien
dépeinte par le style direct et efficace de Jérémy Fel.
On suit différents personnages, victimes,
bourreaux ou simples témoins du Mal avec le « M » majuscule cher à
Fritz Lang. On entre dans leur vie, on assiste à leur souffrance, on est les
témoins de leurs vices et l’auteur réussit à nous les rendre vivants… à nous
faire nous retourner pour surveiller nos arrières… des fois que… Personnages
nombreux, comme le veut le genre, mais personnages solides et que l’on suit
avec intérêt dans leurs pérégrinations funestes.
Roman chorale donc… Mais Roman d’atmosphère
surtout, glauque, à la noirceur palpable, presque solide. Ambiance en rouge
sang et noir ténèbres. Cette maitrise des ambiances est sans doute ce qui m’a
le plus impressionné dans le style de Fel.
Et par contrecoup peut-être, j’ai pu regretté le manque de profondeur de
certains personnages. Rien de rédhibitoire. Il se peut même que je me montre là
par trop exigeant. Mais j’aurais aimé en savoir un peu plus sur les pensés
profondes de ces héros parfois monstrueux.
L’exercice de style, le fameux roman-chorale,
était périlleux et l’auteur s’en sort plutôt bien en parvenant au final à faire
de ces histoires hétéroclites un ensemble plutôt cohérent… Mais ce n’est pas
sans faire usage de certains artifices ou de quelques raccourcis qui peuvent
laisser le lecteur sur sa faim. Il ne manquait pas grand chose que que ce fusse
du grand art.
En conclusion, un excellent roman que j’ai pris
beaucoup de plaisirs à lire et qui en appelle d’autres sur lesquels je me
jetterai avec impatience.
Jérémy Fel - "Les Loups à leur Porte" - Payot et Rivages 2015
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